D’après la mission gouvernementale « Data et Territoires » visant à améliorer le partage et l’utilisation de la donnée, il faut développer des standards et des règles d’interopérabilité permettant un traitement collaboratif et la création d’un espace commun.

Si l’État s’est doté des outils ad hoc pour exploiter la donnée publique, c’est loin d’être le cas au sein des collectivités territoriales. Constatant que ces dernières peinent encore à se saisir des possibilités qui leur sont offertes dans ce domaine, le gouvernement a lancé une initiative visant à améliorer la situation afin « que tous les citoyens puissent profiter de services publics plus accessibles ». Dans ce but il a confié, en 2023, à Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, une « mission exploratoire » destinée à établir un diagnostic précis de l’usage de la donnée par les collectivités territoriales et à proposer des voies d’amélioration. La mission « Data et Territoires » a été confiée à trois responsables politiques : Christine Hennion (conseillère municipale de Courbevoie), Magali Altounian (adjointe au Maire de Nice) et Bertrand Monthubert président du Conseil National de l’Information Géolocalisée, d’Ekitia et d’OPenIG).

Le rapport qui a été remis au ministre fin 2023 est intéressant dans la mesure où, après avoir dressé un constat négatif, il fait 22 propositions pour faire évoluer la situation. Le diagnostic est sombre puisque seulement 16 % des collectivités respectent l’obligation d’ouverture des données. On constate qu’elles sont nombreuses à chercher des moyens de mieux accéder aux données et de mieux les utiliser. Leur maturité en matière de datas est globalement faible et elles se plaignent du manque de cohérence dans leurs relations avec les différentes administrations de l’État, s’agissant de la collecte et du partage des données : « On nous demande de fournir des données sans que l’on comprenne bien à qui et à quoi elles vont servir… et si elles servent ». Le rapport constate un réel déficit de gouvernance tant au sein des collectivités que dans leurs relations avec l’État.

Il faut accélérer le partage et l’utilisation des données

Le rapport fait le constat qu’un certain nombre de données nécessaires au pilotage des politiques ne sont pas diffusées en open data (l’accès aux données d’immatriculation de véhicules par exemple alors qu’elles sont indispensables pour la création des zones à faibles émissions). Or « la circulation, le partage ou le croisement de données sont des conditions sine qua non à la production de politiques publiques numériques ». D’après le rapport cela n’est concevable que si les données utilisées, publiques ou privées, ouvertes ou pas, peuvent dialoguer entre elles, grâce au respect de standards de données. Dans ce contexte la mission estime « qu’il faut accélérer le partage et l’utilisation des données, favoriser la mutualisation, la logique de biens communs et développer des standards, des règles d’interopérabilité permettant le traitement collaboratif des données ».

En parallèle elle met en avant la notion d’espace commun de données « qui permet de créer un cadre de confiance entre des acteurs variés pour opérer un traitement collaboratif de la donnée ». Il est intéressant de noter que la Recommandation n°8 prévoit de créer une « Fabrique des standards » dédiée à l’industrialisation de la standardisation, de leur création à leur appropriation. La standardisation apparaît, en effet, comme un élément-clé, a fortiori quand les standards sont développés de manière collaborative entre les acteurs. La mission appelle aussi à faciliter la diffusion des standards, identifiés comme un élément clé pour favoriser le passage à l’échelle des initiatives existantes. L’alimentation de référentiels nationaux apparaît également importante « tout comme la mobilisation d’acteurs privés qui doit être rendue obligatoire ». S’agissant du rôle des éditeurs de logiciels la Recommandation n°6 prévoit « d’engager, au niveau national, des actions vis à vis d’eux afin de faciliter l’extraction des données et l’application des standards de données quand ils existent, au besoin via des leviers réglementaires ».

Partant du constat d’un manque de pérennisation et de développement d’initiatives locales pourtant réussies, une autre voie de progrès consiste à créer un programme d’accélération et de réplication de ces expérimentations. Force est de constater que toutes ces recommandations vont exactement dans le sens que les travaux de normalisation des standards d’échange de données engagés par Cinov Digital et Data Governance Alliance for Smarter Citizens (DG4SC). Dans le même sens, aussi, que les travaux engagés par eG4U (l’ONG européenne d’utilisateurs privés et publics des TIC) afin de promouvoir les normes produites par l’Institut européen des normes de télécommunications (European Telecommunications Standards Institute, ETSI).

En fait toutes ces recommandations sont en phase avec les 10 spécifications du standard développé par oneM2M (1*) en relation avec  7 organismes de normalisation (Etsi, Arib, TTC, Atis, TIA CCSA, TTA) et 5 associations industrielles (Broadband Forum, Continua Health AllianceHome Gateway InitiativeNew Generation M2M Consortium, Open Mobile Alliance). A noter que, toujours dans l’intérêt du citoyen, le rapport de mission préconise de mettre en place des instances de gouvernance au niveau national et territorial sous la forme de « comités territoriaux de la donnée »,

(1*) L’association oneM2M (One Machine-to-Machine) est un organisme de normalisation mondial qui se consacre au développement de normes techniques pour l’Internet des objets (IoT) et la communication machine à machine (M2M). Son objectif principal est de favoriser l’interopérabilité entre les appareils, les systèmes et les applications IoT/M2M, quel que soit le secteur d’application. L’association qui collabore avec l’ETSI désire contribuer à la normalisation mondiale des technologies IoT/M2M grâce à un standard réduisant l’empreinte carbone des IoT à toutes les étapes de leur vie tout en permettant l’interopérabilité des services et applications du M2M et de l’Internet des objets.

Cinov Digital : vers des solutions ouvertes et interopérables

Dans le cadre de ses travaux de pré-normalisation ALLIANCE DU BATIMENT a développé une solution de connexion standardisée de type connecteur opendthX (en harmonie avec le standard JSON-LD destiné à faciliter la production d’une maquette IFC avec des contenus structurés). Gouverné par des acteurs de la filière constructive via l’association ALLIANCE DU BATIMENT, le format opendthX est destiné à assurer l’interopérabilité entre contenus numériques et logiciels métier de la construction. Grâce à lui, tous les acteurs d’un projet constructif apportent leur contribution au processus BIM en rendant possible l’accès à tout type de contenus au travers de tout type d’application indépendamment des outils.

La solution permet aussi d’enrichir des objets, de normaliser la donnée d’entrée dans les logiciels métier et par conséquent d’optimiser les transferts de données grâce à l’usage du concept data-centrique ouvert. Cinov digital est en phase avec la stratégie européenne en matière de données puisqu’elle est précisément fondée sur la loi traitant de la gouvernance des données (European Data Governance Act) et sur le règlement européen sur les données (European Data Act). La première vise à renforcer la confiance dans le partage des données, à accroître leur disponibilité et à surmonter les obstacles techniques à la réutilisation des données. La seconde précise qui peut créer de la valeur à partir des données et dans quelles conditions. Elle vise à faciliter l’utilisation des données générées par les appareils de l’internet des objets (IoT) par les utilisateurs de ces objets, par exemple pour bénéficier de services innovants offerts par d’autres entreprises que le fabricant de l’objet.

DG4SC prône une gouvernance des données dans l’intérêt du citoyen

La nouvelle association DG4SC qui réunit déjà une vingtaine de membres, dont dcbel, datBIM, Kardham Digital, Wallix Group, Equans France,etc. estime qu’il faut impérativement repenser les modèles actuels de gouvernance des données et rapidement promouvoir une gouvernance garantissant transparence traçabilité. Une gouvernance permettant aux utilisateurs et aux citoyens de réellement garder la maîtrise de leurs données.

L’objectif actuel est de définir un nouveau référentiel qui permette de mieux gérer la donnée et d’impliquer les usagers/citoyens dans les initiatives de bâtiment connecté et de Smartcity. Dans le même esprit, l’association a piloté la réécriture de la déclaration des droits de l’homme en intégrant le traitement des données et des règles qui vont dans l’intérêt de l’utilisateur et élaboré une charte sur l’usage des données (engageant tout prestataire de service sur 10 points) qui a récemment été signée par la ville de Nevers (en vue de l’intégrer dans les appels d’offres).

Rapport de la commission ministérielle

ALLIANCE DU BATIMENT : regroupement de professionnels de la filière construction pour un numérique ouvert et interopérable dans la filière constructive.

eG4U : Créée en décembre 2015, l’ONG eG4U est dédiée à la gestion de l’énergie et au suivi du cycle de vie des sites ICT des organisations privées et publiques – entreprises ou administrations. Tous les membres sont des utilisateurs professionnels et non pas des fournisseurs ICT.

 

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